Fabienne Thiéry,  contes chinois tout public et jeune public

          Cultures de Carnaval

 contes et carnaval

   La saison du Carnaval bat son plein.

    Une période qui bascule pour tout rendre méconnaissable. Le temps chavire dans ses urgences : d’abord recoudre un grelot et recoller un masque. Tout le reste peut attendre.

Non ! tout le reste n’existe plus.

Anéanti, écrasé par le Carnaval

 

 

Calligraphie originale  Fabienne Thiéry

 

Habituellement on se décarcasse pour se faire reconnaître. En temps de Carnaval, c’est tout l’inverse : on se couvre la tête de casseroles, de cornes, de plumes, pour ne pas être reconnus. Masqués, déguisés, conquistadors à l’épée de carton nous avançons en prenant soin de zigzaguer, de tourner en rond, pour surtout perdre le Nord ! Le dérisoire est décisif. Le futile devient sacré. La vraie monnaie, c’est le confettis qui vaut de l’or.

 

La danse de Carnaval n’a rien d’une envolée. On tape très fort le talon dans le sol pour réveiller la terre engourdie. Ou pour appeler d’autres créatures de dessous : lutins, trolls, korrigans et farfadets qui s’y connaissent en mauvais tours qui mettent la tête à l’envers. On ne s’est jamais sentis aussi proches d'eux.

On s’inspire aussi des monstres : ogres, géants, ou des hybrides comme

Jean de l’Ours. Ours qui est d’ailleurs Roi du Carnaval en région pyrénéenne.

 

       Gourmands comme des ours, on mange des nourritures sucrées, réservées habituellement aux enfants. Le Carnaval a sa cuisine, ses spécialités : des beignets frits torsadés, roulés, déguisés, aux noms irrévérencieux : tortillons, pets de nonnes, crottins, crouchepettes...

 

        Les contes en Carnaval ? 

 

Il n’y a pas de contes spécifiques mais certains récits commencent en période de Carnaval pour mettre en scène le désir furieux d’un enfant de manger...les fameux beignets, que l'on ne peut pas refuser dans cette période sacrée. On voit cette situation à l'oeuvre dans le conte rapporté par Calvino, où la poêle à frire qui manque dans la maison familiale doit être empruntée à ...l’oncle Loup! lui justement, qui se déguise si bien avant d’ouvrir la porte : veste, chemise, et pantalon.

Il est en phase avec le Carnaval, méconnaissable et obéissant à une petite fille.

 

 La fillette gourmande sera moins délicate que lui, se goinfrant sans vergogne des beignets que la mère avait réservés pour remercier l’oncle prêteur de poêle, rompant le pacte d’échange et remplaçant ces merveilles par des crottes d’âne, tour de passe-passe bien dans la ligne du renversement carnavalesque. Mais ce conte ne fait du Carnaval qu'un prétexte, sans jouer le jeu jusqu'au bout. La fillette paiera cher sa transgression, tombant dans un conte aussi cadré, elle ne pourra éviter d'être dévorée.

Le loup sonne la fin de la partie Carnavalesque, cessant d’être un prêteur de poêle bien costumé pour reprendre son rôle de toujours, toutes dents dehors.

Le Carnaval se joue du Temps mais le temps lui est compté, entre deux parenthèses. Il ouvre sa gueule en grand et la referme...en claquant des dents, jusqu'à l'hiver prochain.

Fabienne Thiéry